
Dix heures moins cinq. J'attendais dans le hall. J'étais venue légèrement en avance, j'avais été voir Monica quelques secondes auparavant pour lui exposer mon idée. Elle m'approuvait, non pas que j'en ai besoin.
Je repensais rapidement à ma matinée, j'avais visionné les vidéos des auditions qu'un livreur avait déposé la veille dans la soirée. Toutes les vidéos. Je devais l'admettre, ils avaient été les meilleurs. Enfin, presque. Un acteur plutôt doué qui était en train d'émerger s'était très bien débrouillé lui aussi, seulement, il était seul, cela sous entendait donc prendre trois autres gars qui auraient été inférieurs à ceux du groupe. Pour faire simple, sa solitude le rendait inéligible. Mais je n'avais pas changé d'avis sur eux : ce n'était pas des acteurs. Charly leur avait demandé une improvisation, pas de la comédie. N'importe quelle bande d'amis s'en serait sortie avec les honneurs. Après ça, un livreur avait débarqué derrière Julia et embarqué ses affaires, elle avait trouvé un bel appartement dans l'immeuble derrière le mien et dont la porte de service faisait face à celle de mon immeuble. Enfin.
Dix heures moins trois. La porte de l'immeuble s'ouvrit. L'un d'entre eux passa la porte. Il me semblait que c'était le chanteur. Impossible de me souvenir de son prénom. Tant pis. Il s'avança doucement, timidement.
_ Salut. Les autres arrivent, ils finissent de se préparer, on est dans l'hôtel de l'autre côté de la rue.
_ D'accord. Répondis-je en lui jetant un regard quelque peu hautain et le détaillant à nouveau.
Il s'éloigna sous mes yeux, s'asseyant sur une marche, ouvrant le bouquin qu'il tenait à la main sans plus me prêter attention. Un sourire quelque peu cynique éclaira mon visage, je le plaignais, ce mec était visiblement d'une timidité maladive dans un monde où seule le charisme et la grande gueule comptaient. Il devait en baver : se plier à son manager sans rien dire, endurer les interviews en répétant des phrases toutes faites, se vêtir tel qu'une styliste qu'il n'avait même pas engagé l'avait décidé, poser tel que l'exigeait son agent ou le photographe. Un pantin. Un invisible. Un homme sans intérêt à mes yeux, raison pour laquelle je me détournais de lui sans état d'âme établissant d'ors et déjà le fait que nous n'avions rien à faire ensemble.
Dix heure moins une, deux jeunes hommes passent la porte. Ce sont les deux autres, Lukas n'est pas parmi eux.
_ Bonjour ! S'exclama joyeusement le plus petit des deux, Nate il me semble. J'apprécie ce gars, il me plait d'une certaine manière. Pas physiquement. Trop petit. Non, ce que j'aimais chez lui c'était cette bonne humeur qui semblait littéralement exsuder de sa peau.
_ Salut. Ajouta plus sobrement le grand au patronyme russe, un sourire discret sur les lèvres.
Ces deux membres m'intéressaient d'avantage que leur pseudo meneur. Ils avaient une personnalité. Rien d'exceptionnel à vrai dire mais, une personnalité tout de même.
_ Alors, comment ça va ? Enfin t'as plutôt l'air de bien aller... Je te tutoie, j'espère que ça ne te dérange pas... Non parce que si c'est le cas tu me le dis, hein ? Quand on y pense on n'en a pas parlé ! T'en as parlé à Cedric mais pas à nous. Et tu vois, je pense que c'est le genre de choses dont l'on devrait parler dès que l'on se rencontre histoire de mettre les choses à plat dès le début sans l'ombre d'un doute pour éviter toute mésentente, tu vois le genre ? C'est hallucinant comme les gens ne parlent pas entre eux, je suis sur que si les gens parlaient d'avantage, il n'y aurait pas de guerre... Bon, d'accord, il ne faut peut être pas aller jusque là, parce que bon, soyons réaliste, les lobby ne laisseront jamais ce genre de choses arriver... C'est genre impossible ! Mais moins de guerre entre les gens ça c'est certain alors moi je te le dis, si tu as le moindre problème, tu peux venir me parler quand tu veux ! Tout le monde te le diras, Nathaniel De Courcygle est la personne la mieux placée pour écouter les gens ! Je suis très à l'écoute, vraiment, je laisse les gens parler, s'exprimer.
J'échangeais un regard incrédule avec Cedric tandis que Nate continuait son monologue créant les question et les réponses de son propre chef, développant sa pensée tout en me fixant sérieusement. Cedric se tourna vers son ami et alors que je me demandais ce qui se passait, une voix, celle de Lukas, susurra à mon oreille la réponse à ma question informulée :
_ Il va le calmer. Cedric est en quelque sorte le garant de notre santé mentale car vois-tu, Nate est toujours ainsi.
Et effectivement, alors qu'il me glissait ces mots, son corps posté derrière moi, le grand blond envoyé son poing dans l'épaule de Nathaniel.
_ Putain Ced ! Tu m'as fait mal ! S'écria ce dernier.
_ Fallait faire un peu plus de muscu l'avorton. Répondit Cedric. Et pour ta gouverne Enzo était à deux doigts d'appeler les services psychiatriques, il fallait bien que quelqu'un t'arrête.
_ Je suis sur que j'aurais égayé leurs journées... Après tout, tout le monde rêve de passer sa vie à mes côtés non ? Même les infirmières !
_ Mec, personne ne veut passer sa vie à tes côtés, excepté Grace évidemment... Par contre, elles t'accepteraient dans le service pour le simple espoir –vain- que je te rende visite un jour et qu'elles puissent ne serait-ce que m'apercevoir. Rétorqua Lukas.
_ Han putain, t'es enfin arrivé mec, t'es à la bourre ! On ne t'as jamais appris que l'on ne fait pas attendre une jeune femme, plus particulièrement lorsqu'elle est superbe ? S'indigna le plus petit de tous.
_ J'ai appris beaucoup de chose vis-à-vis des femmes mais j'ai du substituer cette leçon par une autre qui m'intéressait d'avantage. Répondit-il un sourire arrogant plaqué sur les lèvres tandis qu'il faisait délicatement courir ses doigts sur mes bras avant d'ajouter à voix basse et à ma seule intention : si tu veux, je te montrerais la leçon de substitution.
Je levais les yeux au ciel à l'intention des deux autres membres avant de tourner mon visage vers Lukas qui était toujours placé dans mon dos. Je lui adressais alors un regard de défi dont la signification était claire : Enlève tes sales pâtes de mon corps. Cependant il fit semblant de ne pas comprendre. Crétin. Je me penchais doucement vers son oreille mais ne pris pas la peine de réellement murmurer, laissant les personnes qui m'entouraient m'entendre :
_ Je te déconseille de faire ce genre de chose à l'avenir.
_ Et pourquoi donc ? M'interrogeait-il goguenard.
_ Car je pourrais bien entrer dans ton jeu et je ne suis pas sure que tu en ressortes indemne. Lui répondis-je sans sourciller.
Je ne lui laissais pas le temps de répondre. Il me fatiguait. Je m'avançais vers la porte.
_ Maintenant que Lukas a daigné se joindre à nous, nous allons enfin pouvoir y aller.
Sans rien ajouter d'autre, je sortis, entendant tout de même les pas des quatre jeunes hommes qui se mettaient en mouvement. Je rejoignis les deux véhicules canaris qui nous attendaient et c'est tout naturellement que je me retrouvais dans le premier d'entre eux aux côtés de Cedric et Nathaniel, laissant le second aux deux autres membres des Stereo-types.
_ Alors, est-ce que l'on va finalement savoir ou tu nous emmènes ?
_ Prendre votre première réelle leçon de comédiens.
_ Mais encore ? Insista Nate.
_ Mais encore rien du tout, si j'avais voulu répondre à ta question je l'aurais fait dès le début. Lui assenais-je quelque peu brutalement avant de me détourner d'eux pour me concentrer sur mon portable, communiquant avec mon assistante.
Je repensais rapidement à ma matinée, j'avais visionné les vidéos des auditions qu'un livreur avait déposé la veille dans la soirée. Toutes les vidéos. Je devais l'admettre, ils avaient été les meilleurs. Enfin, presque. Un acteur plutôt doué qui était en train d'émerger s'était très bien débrouillé lui aussi, seulement, il était seul, cela sous entendait donc prendre trois autres gars qui auraient été inférieurs à ceux du groupe. Pour faire simple, sa solitude le rendait inéligible. Mais je n'avais pas changé d'avis sur eux : ce n'était pas des acteurs. Charly leur avait demandé une improvisation, pas de la comédie. N'importe quelle bande d'amis s'en serait sortie avec les honneurs. Après ça, un livreur avait débarqué derrière Julia et embarqué ses affaires, elle avait trouvé un bel appartement dans l'immeuble derrière le mien et dont la porte de service faisait face à celle de mon immeuble. Enfin.
Dix heures moins trois. La porte de l'immeuble s'ouvrit. L'un d'entre eux passa la porte. Il me semblait que c'était le chanteur. Impossible de me souvenir de son prénom. Tant pis. Il s'avança doucement, timidement.
_ Salut. Les autres arrivent, ils finissent de se préparer, on est dans l'hôtel de l'autre côté de la rue.
_ D'accord. Répondis-je en lui jetant un regard quelque peu hautain et le détaillant à nouveau.
Il s'éloigna sous mes yeux, s'asseyant sur une marche, ouvrant le bouquin qu'il tenait à la main sans plus me prêter attention. Un sourire quelque peu cynique éclaira mon visage, je le plaignais, ce mec était visiblement d'une timidité maladive dans un monde où seule le charisme et la grande gueule comptaient. Il devait en baver : se plier à son manager sans rien dire, endurer les interviews en répétant des phrases toutes faites, se vêtir tel qu'une styliste qu'il n'avait même pas engagé l'avait décidé, poser tel que l'exigeait son agent ou le photographe. Un pantin. Un invisible. Un homme sans intérêt à mes yeux, raison pour laquelle je me détournais de lui sans état d'âme établissant d'ors et déjà le fait que nous n'avions rien à faire ensemble.
Dix heure moins une, deux jeunes hommes passent la porte. Ce sont les deux autres, Lukas n'est pas parmi eux.
_ Bonjour ! S'exclama joyeusement le plus petit des deux, Nate il me semble. J'apprécie ce gars, il me plait d'une certaine manière. Pas physiquement. Trop petit. Non, ce que j'aimais chez lui c'était cette bonne humeur qui semblait littéralement exsuder de sa peau.
_ Salut. Ajouta plus sobrement le grand au patronyme russe, un sourire discret sur les lèvres.
Ces deux membres m'intéressaient d'avantage que leur pseudo meneur. Ils avaient une personnalité. Rien d'exceptionnel à vrai dire mais, une personnalité tout de même.
_ Alors, comment ça va ? Enfin t'as plutôt l'air de bien aller... Je te tutoie, j'espère que ça ne te dérange pas... Non parce que si c'est le cas tu me le dis, hein ? Quand on y pense on n'en a pas parlé ! T'en as parlé à Cedric mais pas à nous. Et tu vois, je pense que c'est le genre de choses dont l'on devrait parler dès que l'on se rencontre histoire de mettre les choses à plat dès le début sans l'ombre d'un doute pour éviter toute mésentente, tu vois le genre ? C'est hallucinant comme les gens ne parlent pas entre eux, je suis sur que si les gens parlaient d'avantage, il n'y aurait pas de guerre... Bon, d'accord, il ne faut peut être pas aller jusque là, parce que bon, soyons réaliste, les lobby ne laisseront jamais ce genre de choses arriver... C'est genre impossible ! Mais moins de guerre entre les gens ça c'est certain alors moi je te le dis, si tu as le moindre problème, tu peux venir me parler quand tu veux ! Tout le monde te le diras, Nathaniel De Courcygle est la personne la mieux placée pour écouter les gens ! Je suis très à l'écoute, vraiment, je laisse les gens parler, s'exprimer.
J'échangeais un regard incrédule avec Cedric tandis que Nate continuait son monologue créant les question et les réponses de son propre chef, développant sa pensée tout en me fixant sérieusement. Cedric se tourna vers son ami et alors que je me demandais ce qui se passait, une voix, celle de Lukas, susurra à mon oreille la réponse à ma question informulée :
_ Il va le calmer. Cedric est en quelque sorte le garant de notre santé mentale car vois-tu, Nate est toujours ainsi.
Et effectivement, alors qu'il me glissait ces mots, son corps posté derrière moi, le grand blond envoyé son poing dans l'épaule de Nathaniel.
_ Putain Ced ! Tu m'as fait mal ! S'écria ce dernier.
_ Fallait faire un peu plus de muscu l'avorton. Répondit Cedric. Et pour ta gouverne Enzo était à deux doigts d'appeler les services psychiatriques, il fallait bien que quelqu'un t'arrête.
_ Je suis sur que j'aurais égayé leurs journées... Après tout, tout le monde rêve de passer sa vie à mes côtés non ? Même les infirmières !
_ Mec, personne ne veut passer sa vie à tes côtés, excepté Grace évidemment... Par contre, elles t'accepteraient dans le service pour le simple espoir –vain- que je te rende visite un jour et qu'elles puissent ne serait-ce que m'apercevoir. Rétorqua Lukas.
_ Han putain, t'es enfin arrivé mec, t'es à la bourre ! On ne t'as jamais appris que l'on ne fait pas attendre une jeune femme, plus particulièrement lorsqu'elle est superbe ? S'indigna le plus petit de tous.
_ J'ai appris beaucoup de chose vis-à-vis des femmes mais j'ai du substituer cette leçon par une autre qui m'intéressait d'avantage. Répondit-il un sourire arrogant plaqué sur les lèvres tandis qu'il faisait délicatement courir ses doigts sur mes bras avant d'ajouter à voix basse et à ma seule intention : si tu veux, je te montrerais la leçon de substitution.
Je levais les yeux au ciel à l'intention des deux autres membres avant de tourner mon visage vers Lukas qui était toujours placé dans mon dos. Je lui adressais alors un regard de défi dont la signification était claire : Enlève tes sales pâtes de mon corps. Cependant il fit semblant de ne pas comprendre. Crétin. Je me penchais doucement vers son oreille mais ne pris pas la peine de réellement murmurer, laissant les personnes qui m'entouraient m'entendre :
_ Je te déconseille de faire ce genre de chose à l'avenir.
_ Et pourquoi donc ? M'interrogeait-il goguenard.
_ Car je pourrais bien entrer dans ton jeu et je ne suis pas sure que tu en ressortes indemne. Lui répondis-je sans sourciller.
Je ne lui laissais pas le temps de répondre. Il me fatiguait. Je m'avançais vers la porte.
_ Maintenant que Lukas a daigné se joindre à nous, nous allons enfin pouvoir y aller.
Sans rien ajouter d'autre, je sortis, entendant tout de même les pas des quatre jeunes hommes qui se mettaient en mouvement. Je rejoignis les deux véhicules canaris qui nous attendaient et c'est tout naturellement que je me retrouvais dans le premier d'entre eux aux côtés de Cedric et Nathaniel, laissant le second aux deux autres membres des Stereo-types.
_ Alors, est-ce que l'on va finalement savoir ou tu nous emmènes ?
_ Prendre votre première réelle leçon de comédiens.
_ Mais encore ? Insista Nate.
_ Mais encore rien du tout, si j'avais voulu répondre à ta question je l'aurais fait dès le début. Lui assenais-je quelque peu brutalement avant de me détourner d'eux pour me concentrer sur mon portable, communiquant avec mon assistante.
●●●
_ Mais qu'est ce qu'on fout la ? M'interrogea Lukas.
_ Comment ça « là » ? Lui répondis-je.
_ Ok, je vais te la faire de manière plus précise. Explique nous pourquoi est ce que tu nous as embarqué en plein Bronx ?!
_ Oh, ça ? Pour vous donner la leçon la plus importante de votre carrière de comédien.
Les quatre jeunes hommes me regardèrent interloqués. Finalement, je vis les yeux de Cedric s'éclairer à la vision de la plaque qui ornait l'entrée du bâtiment derrière moi.
_ C'est pas bête... Ca pourrait vraiment nous aider. Commenta-t-il alors sous les regards interloqués de Nate et Lukas. De son côté, Lyam semblait plutôt fier de son ami, comme s'il était arrivé à cette conclusion lui aussi.
_ Ca va faire plus que vous aider Cedric, c'est la base. On ne fait qu'imiter la réalité. On n'imite pas quelque chose que l'on n'a pas vu.
_ C'est un centre de désintox, c'est ça ? M'interrogea Lukas.
_ C'est ça. On va y passer la journée en tant que bénévoles, je me suis déjà arrangée avec la directrice du centre. De votre côté, vous allez discuter avec des accompagnateurs, des gens qui aident les drogués en cours de désintox à surmonter tout ça et bien évidemment vous allez vraiment filer un coup de main. De mon côté mon rôle étant celui d'une droguée, je vais discuter avec différents patient qui en sont à différents stades de sevrage. Comme vous avez pu le voir, ici c'est dans un quartier défavorisé alors ne vous attendez pas à trouvez blouses blanches, chambres individuelles et fringues hautes coutures. Et, par pitié, pas de commentaires à la con. Ajoutai-je, me tournant instinctivement vers Lukas.
Je passais les portes de cet établissement à leur côté. Les premières choses qui me heurtèrent furent les cris. Peu nombreux, mais présents. La femme que j'avais eu au téléphone nous attendait. On était la pour aider. Pour observer. Pour apprendre. J'avais toujours effectué cette démarche pour chacun de mes films. J'avais toujours tenu à rencontrer une galerie de personnages qui vivaient ce que mon personnage était censé vivre, ce que j'allais lui faire vivre. Je multipliais les exemples m'arrangeant pour que leurs points communs, leurs habitudes se confondent dans un flou pour former un personnage type dont j'enfilerais la peau. La directrice nous mena à travers les différentes sections de cette clinique quelque peu particulière. On suivit l'évolution.
Les premiers jours. Le choc fut instantané. Le début du sevrage. Les yeux rougis. Les paroles décousues. La colère. Le corps qui se rebelle. Le démon qui s'échappe par chacun des pores. Les crises de manque. Le feu qui parcourt leurs veines. L'enfer.
Deux- trois semaine. Les premiers signes d'espoir. Une lueur dans le regard qui s'éteint à chaque crise. Une lueur dans le regard qui s'allume à chaque accalmie. Chaque bataille gagnée est un pas vers la victoire. Ils se battent depuis ce qui leurs semblent une éternité. Et ce feu qui se manifeste à intermittence il emporte tout, il les bouffe, il les ravage. Ils prennent conscience de la moindre veine lorsque celles-ci s'embrasent. Tout devient plus fort. Tout devient plus puissant. Le monde est... trop. Trop quoi ? Trop tout. Trop douloureux. Trop présent. Trop lumineux. Trop brulant. Il écorche leurs rétines. Il brule leur peau. Il assèche leur bouche.
Un mois. Un mois dans ce que l'homme fait de plus noir : ses propres démons. Oui, chaque bataille contre les chaines qui les oppressent est un pas vers la liberté cependant, ils savent qu'une rechute les enfoncerait dans des obscurités plus profondes encore que celles dont ils tentent de se sortir.
Les âges se confondent dans ce purgatoire des passions. Une adolescente au regard illuminé par la découverte de la lumière. Un père de famille aux membres tremblant. Une gamine apeurée en visite. Mais derrière tous ces corps décharnés, secoués par le manque s'agitent les fantômes gorgés de lumière, les anges qui s'affairent, dizaines de fourmis concernées par un proche ou la totalité de l'établissement. Des hommes et des femmes que les patients ne voient même plus. Des hommes et des femmes à qui ceux qui s'en sortent devront leur nouvelle vie. La reconnaissance vient plus tard, dans l'instant, ce n'est que le désespoir qui bouffe tout.
La reconnaissance, on la croise d'ailleurs plus loin. Eux, ils ont gagné assez de batailles pour garder la lueur en permanence, pour l'alimenter. Ils commencent à y croire. Ils possèdent à nouveau cette drogue particulière à laquelle carbure chaque être humain sur cette putain de planète, cette substance qui vous bouffe et vous botte le cul : l'espoir. Ils s'affirment. Ils disent « plus jamais » mais ils savent que leur démon personnel les attend au tournant et qu'en vérité ce « jamais » hurlé à la gueule de leurs proches par leur espoir n'est qu'un murmure qui cherche une once de conviction. Ils sont encore fragiles, mais ils marchent. Ils sont encore branlants mais ils se tiennent debout. Ils agissent encore comme des bêtes mais l'humain refait surface.
Les discussions s'enchainèrent, une gamine me marqua. Un mois, un mois de désintox pour elle. Elle me fait face. Elle a quinze ans, elle est assise sur son lit. Son regard se plante dans le mien, je ne l'intimide pas ce qui est plutôt rare.
_ Salut, je suis Enzo, j'aimerais qu'on parle toutes les deux.
_ Laisse moi deviner, tu veux savoir ce qui m'est arrivée, comment je suis tombée dans cette merde, tu veux fouiller ma vie.
_ C'est à peu près ça, sauf que je ne fais pas ça par curiosité, non... Je fais ça pour mon job, je veux juste essayer de comprendre ce qui peu passer par la tête d'adolescentes pitoyables dans ton genre et utiliser ça pour interpréter correctement mon personnage. Toi, je m'en fous.
Cette gamine me gonflait déjà à me regarder avec son regard narquois. Je n'avais pas évité la vérité une seule seconde, elle avait glissé de mes lèvres sans que je pense un seul instant à la retenir et à ma grande surprise elle éclata de rire.
_ Putain, t'as du caractère la bourge ! Tu sais que la réplique de base c'est « non, tu sais, je voulais juste te permettre de parler ».
_ Je n'aime pas les bases.
_ Ca j'avais cru le deviner. Bon, on ne va pas se prendre la tête dix heures, je te propose un marché, si t'es ok, je te balance tout, dans les moindres détails, comment, pourquoi, les sensations... Du plus banal au plus gore, et crois moi, pas un seul des putains d'hypocrites qui sont dans ce centre te racontera la vérité dénuée de tout packaging mais en échange, tu fais un petit truc pour moi.
_ Qu'est ce que tu veux ? Si c'est de la dope, tu peux aller te faire foutre, autant te le dire maintenant, c'est pas mon délire.
_ Si ça avait été le cas, tu ne serais pas la, je suis peut être une gamine et je suis peut être une camée mais ça fait pas de moi une abrutie. Non, ce que je veux, c'est bien plus simple que ça. Je t'ai vu arriver avec les quatre mecs et, de ma fenêtre on aurait étrangement dit que c'était les Stereo, or vois-tu, je suis raide dingue de ce groupe, depuis que je vous ai vu entrer, j'espère qu'ils se pointent ici, mais à la place je t'ai eu toi du coup j'aimerais que tu arranges ce léger oubli qu'ils ont fait en ne passant pas par ma chambre.
_ Je peux m'arranger pour les faire venir mais, je te préviens ils ne sont pas ici pour un quelconque Meet And Great, je leur ai fait ramener leur cul dans ce zoo pour leur futur job après si ça t'éclate de voir leur tronche de Rock Star, c'est ton problème.
_ Oh, leur tronche j'en ai rien à faire, je suis pas une groupie, non c'est leur musique que je veux. Mais pour cette partie là, t'inquiète, je vais me démerder.
_ Ok, j'irais les chercher dès que tu m'auras raconté ta petite histoire.
_ Chez les camés, il n'y a pas de confiance, on ne fais pas confiance et, tu sais quoi ? Je ne te fais pas confiance non plus, qui me dit qu'une fois que tu auras entendu ma petite histoire tu ne vas pas tout simplement te barrer ?
Je me penchais doucement vers elle, m'assurant de la regarder dans les yeux.
_ Ecoute moi bien, je ne le répéterais pas deux fois, je ne suis pas une camée et j'ai un minimum de fierté. Je suis une salope, une connasse... Je suis à peu près tout ce que des parents espèrent que leur fille ne deviendra pas mais il y a un truc que je possède et qui t'échappe certainement : ma propre morale. Lorsque je dis quelque chose, je m'y tiens. Alors que l'on soit bien d'accord, la prochaine fois que tu me compares à tes amis sous perfusion, je me lève, je me taille et tu pourras toujours courir pour voir les quatre autres incapables qui m'accompagnent. Maintenant, si tu veux bien, j'en ai un peu ras le bol de perdre mon temps avec toi donc soit tu me racontes ta pauvre petite histoire de gamine paumée soit je me barres maintenant.
_ Ok, ok, ok, relax. Déjà, il y a un truc qu'il faut mettre au clair, je n'ai jamais vécu dans la rue, mes parents n'ont pas divorcé, mon père ne m'a jamais battu, je n'ai jamais été violée, je n'ai jamais été une tête de turc en cours. J'ai toujours était la gamine normale d'une classe moyenne tout aussi normale. Y'a à peu près un an, j'ai réellement commencé à sortir, j'ai fait comme toutes mes potes : on faisait croire à nos parents que l'on dormait les unes chez les autres, on faisait le mur, on trainait avec des groupes de mecs, on a commencé à trainer avec des mecs un peu plus vieux pour rentrer en boite tranquillement même si l'on était loin d'avoir l'âge, on savait où se pointer pour ne pas tomber sur des videurs et des barmans trop regardant sur les cartes d'identité. Et puis, il y a eu les fêtes chez les uns, chez les autres, la, c'était vraiment cool parce qu'il n'y avait pas besoin de fric pour picoler, on pouvait vraiment se laisser aller. J'ai rencontré des mecs vraiment cools. J'ai même tapé dans l'oeil de l'un d'entre eux, j'en jouais, vraiment, il était plutôt beau gosse et j'allais grâce à lui dans des soirées de plus en plus cools. A l'une d'entre elles, un de ses potes avait ramené un peu de poudre qu'il avait trouvé dans les affaires de son frangin. Il n'y avait pratiquement rien... Trois grammes tout au plus... On était une petite vingtaine et aucun d'entre nous n'y avait jamais touché, on s'est regardé en chien de faïence pendant cinq six minutes puis certaines filles ont clairement annoncées qu'elles refusaient de toucher à cette merde, deux ou trois gars ont fait de même arguant qu'ils n'avaient pas besoin de ça pour s'éclater. Le reste d'entre nous voulions essayer, juste une fois, histoire de voir ce que ça donnait. Il faut dire que l'on était tous plus au moins bourrés à ce moment la. On se l'est joué comme les caïds dans les films, on a trouvé un plateau et avec une carte bancaire on a tenté de faire des lignes à peu près équitables et à peu près droites. On était une petite dizaine à vouloir tenter à ce moment la. Le mec est allé chercher une paille et il a essayé en premier, je me rappelle qu'il a poussé un putain de juron en se défonçant les sinus mais lorsqu'il s'est allongé dans le canapé, il avait un putain de sourire d'extase claqué sur la gueule. On a tous snifé notre rail et là ça a été une putain d'extase. Le monde ne me parvenait plus qu'à grand peine, j'étais extatique, je sentais le sang qui battait contre mes tempes, la main de ce mec à qui je plaisais autour de la mienne... Tout me parvenait avec du retard et j'étais dans une petite bulle. La descente a été lente, c'était la première fois, l'effet était carrément long malgré la dose de merde. Ce jour là, on est deux à avoir tellement apprécié que l'on voulait recommencer. Les autres avaient trouvé ça « fun » mais, sans plus. Enfin, la vérité c'est qu'ils étaient terrorisés car dans leur petite tête de gamins gentils, ils avaient fait une connerie et ils avaient un peu trop aimé. Du coup, Karl et moi, ce mec dont je te parle depuis le début, on a laissé passer un mois, on en parlait assez souvent entre nous, on a commencé à se demander comment on pourrait en trouver d'autre, juste pour s'éclater un peu plus de temps en temps. Les soirées nous paraissaient mortelles. Finalement, il a pris les choses en main, je ne sais pas trop comment mais il a réussi à s'en procurer d'autre, il m'a dit qu'il en avait parlé à son cousin sur lequel il avait déjà eu des doutes et il s'est avéré que celui-ci savait à qui s'adresser ou un truc du genre... Je ne sais plus vraiment. Notre argent de poche à commencé à partir là dedans. On en prenait occasionnellement, avant les soirées principalement, on se retrouvait dans un parc ou ce style d'endroit avant d'y aller et on se faisait planer pour « apprécier l'instant présent » comme disait Karl. C'était vraiment, vraiment bon. Le problème c'est qu'à chaque fois on retombait de plus en plus vite, il nous en fallait d'avantage mais, notre argent de poche ne suffisait plus vraiment du coup, on a commencé à piquer un peu de fric à nos parents l'un comme l'autre, deux trois dollars par-ci par-là, c'était des sommes ridicules mais à nous deux ça permettait d'en avoir un peu plus. Karl s'est même trouvé un job et moi je me suis lancée dans le baby-sitting. Nos parents étaient heureux de nous voir responsables, travailleurs. Ils ne se demandaient même pas où passait le fric que l'on gagnait. Lui et moi on était devenu un vrai couple et les prises se rapprochaient peu à peu, on en prenait à d'autre moment qu'en soirée et à chaque fois, la descente était pire. Les sensations étaient toujours là : les mains qui tremblaient au moment où j'avais le petit sachet dans les mains, nos yeux qui brillaient pendant que l'un ou l'autre faisait les rails, on était devenu de vrais pros pour se partager la came, la sensation désagréable de la paille au niveau des narines, notre index qui bouche l'autre partie et finalement l'inspiration. La putain de brulure qui nous explosait les sinus, les yeux qui piquaient, parfois même quelques larmes et puis finalement le moment où tu as le cerveau qui s'embrume, où rien n'as de conséquence où tu as l'impression de dominer le monde. C'était des moments parfaits. Et puis, il y avait la descente, quand elle commence t'as cette putain de peur qui te prend aux tripes parce que tu sais exactement ce qui t'arrive, tu apprends à reconnaître les symptômes, ta vision redevient claire, les choses ne te paraissent plus drôles, il n'y a même plus de lumière ou de couleurs quand tu regardes autour de toi. Tes sens sont de nouveau opérationnels, tu n'es plus dans ton monde. C'est surement une des pires sensations que j'ai jamais expérimenté... Parce que putain t'as pas envie de redescendre, c'est comme si l'on te permettait de gouter une cuillère de ton plat préféré mais que tu ne pouvais pas tout manger. Après venait le pire, le manque. Je n'ai jamais eu les mains qui tremblaient lorsque j'étais en manque, ou alors c'était juste d'excitation car j'avais enfin le précieux plastique entre les mains, en revanche, il y avait des jours ou tout et tout le monde m'insupportait et dans ces cas là, mes yeux me brulaient sans arrêt ou des maux de tête me vrillaient le crâne. Mais, le pire reste cette brulure à l'estomac qui semble progresser à chaque minute sans came, qui arrive à atteindre un feu intense qui nous ravage de l'intérieur, qui nous fait complètement disjoncter jusqu'à la prise suivante. Karl lui est devenu violent lorsqu'il était en manque, il est tombé bien plus vite et bien plus bas que moi... Et puis, il y a eu cette putain de fois, on était tous les deux dans un parc, planqués, on savait que là on ne viendrait pas nous faire chier, on s'est pris une dose. On était bien, on planait et Karl a commencé à ne plus me répondre alors que l'on était en pleine discussion. J'ai mis cinq minutes à comprendre qu'il faisait une overdose, j'ai pas été foutue de sortir mon putain de portable pour appeler les secours, je suis sortie des buissons en courant et j'ai ameuté tout le monde en racontant tout est n'importe quoi, que mon ami avait été agressé et qu'il était en train de mourir. Je ne sais pas trop qui a appelé les secours. Il s'en est sorti. Il avait déjà pris une dose avant de se pointer au parc. Mes parents ont appris ainsi que j'étais une putain de junkie, ils m'ont aussitôt collée ici. Ils sont convaincus que c'est Karl qui m'a entrainée là dedans et que leur petite fille chérie, aveuglée par l'amour, n'a pu que suivre car le "méchant garçon" avait une grande influence sur elle. Ils ne veulent pas voir la vérité en face, même quand je leur dis clairement ce qui s'est passé et que Karl n'y est pour rien. C'est leur choix, je leur ai expliqué ma version des faits, s'il préfère vivre au pays des bisounours, c'est leur problème.
_ Tu aimais Karl? Lui demandais-je d'ors et déjà sure de la réponse.
La gamine planta son regard dans le mien.
_ Non. La réponse claqua dans l'air, faisant naitre un sourire sur mon visage.
Sans rien ajouter d'autre, je sortis mon portable. A mon tour d'honorer ma part du contrat.
"_ Lukas ?
_ Enzo? Mais comment t'as eu mon numéro ?
_ On s'en fout de comment j'ai eu ton numéro. Retrouve les autres, montez tout de suite au troisième, chambre 31. Lui ordonnais-je avant de raccrocher."
Je restais assise, attendant que l'autre blond s'acquitte de sa tache... Pas convaincue du tout par sa parole. Il leur fallut une quinzaine de minutes pour monter au troisième. C'était au moins dix de trop.
"_ T'aurais-je manqué Enzo?" Fanfaronna Lukas.
Je me contentais de lui adresser un sourire avant de sortir. J'étouffais.
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Bonjour.
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Bonjour.
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Et voilà le chapitre 7, je vais vous dire une chose, celui-ci, je le déteste... Je ne sais pas pourquoi. J'y tenais tellement que je ne peux m'empêcher de me dire qu'il est raté. Mais bon, je ne vois pas trop comment le modifier alors je vous le livre tel quel. Le prochain devrait être mieux... Enfin, j'espère!
Sinon, j'aimerais avoir vos ressentis sur les Stereos, savoir ce que vous croyez deviner de la suite... Quand à Enzo, je suppose qu'elle vous fera encore réagir!
Une chose est sure et je vous l'accorde, ma fiction est un peu... lente pour l'instant, disons que je tiens réellement a installer mes personnages, à ancrer mon histoire dans un monde -relativement- complexe et je m'excuse pour toutes celles qui préfèrent les fictions qui bougent réellement mais, j'aurais trop l'impression de tomber dans un clichés : ils se rencontrent, s'engueulent et finissent ensemble (non, non, non je ne viens pas de dire qu'elle finira avec Lukas, c'est juste un exemple et se serait teeeeeellement cliché... Quoi que les clichés ont du bon des fois... Ou pas... Vous verrez). EN tout cas, si c'est vraiment trop lent dite le moi, je retoucherais les chapitres suivant.
A bientôt, je vous le promets!
C.S.H